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 Le role de l'action culturelle et de l'art en direction des publics empéchés.

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Tayelore
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Tayelore


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MessageSujet: Le role de l'action culturelle et de l'art en direction des publics empéchés.   Le role de l'action culturelle et de l'art en direction des publics empéchés. Icon_minitimeMar 15 Déc - 20:51

l’actualité, pour le moins catastrophique, notamment pour le domaine qui nous interesse, m’a fait repensé à un devoir que j’ai réalisé il y a quelques mois dans le cadre d’une formation.

C’est trés long, maiiis je crois qu’il y a de quoi faire. C'est en tous cas ma petite contribution à cette pèriode compliquée. Bonne lecture et bonne soirée Wink

Le role de l'action culturelle et de l'art en direction des publics empéchés.

Rencontre avec  Cedrick Spinassou

Thème : la violence

Présenté par Franck Sarrabas

En cette année 2020, le monde affronte de multiples défis. Crise sanitaire, Crise sociale, économique, écologique. Les èvènements se succèdent à un rythme effréné et incessant. Les peurs, les incertitudes  et les colères montent. On s’accuse les uns les autres. On s'affronte. Le monde tel que nous le connaissons est menacé de destruction. En tant qu’artiste, il m’apparait de manière évidente que se pose la question du rôle de l’action culturelle et artistique dans un pareil climat. Ce que m’a permis d’approfondir ces derniers mois les cours que j'ai suivi avec Jean-Pierre Chrétien intitulé «les Fondements anthropologiques de l'action culturelle » késako ? L'anthropologie étudie l'être humain et les groupes humains sous tous leurs aspects, à la fois physiques (anatomiques, biologiques, morphologiques, physiologiques, évolutifs, etc.) et culturels donc. (Wikipédia) Il nous est alors proposé de nous questionner sur « l’action culturelle et l'action artistique en direction des publics dits "empêchés" et toutes les personnes éloignées de la culture, ainsi que Les caractéristiques de ces pratiques,  l’impact et avancées qu’elles ont sur les acteurs.

Mais qu’est-ce qu’un public « empêché » ? Selon la définition courante « En France, les publics empêchés représentent, selon le ministère de la Culture, les personnes ne pouvant se déplacer aux lieux culturels. Ces publics rassemblent alors de nombreuses catégories : malades, personnes à mobilité très réduite, personnes très âgées, hospitalisés, détenus… « (Wikipédia) Une assignation qu’on peut remettre en question, tant elle peut sembler limitante. En effet, s’il est indéniable que certaines caractéristiques personnelles peuvent compliquer la vie sociale, on sait aussi que notre société a été construite, sur une idée normative. On peut donc rapidement tomber dans une idée paternaliste d’autrui, et occulter avec le mot empêché, la culture et la personnalité de chacun qui peuvent se révéler bien plus riche qu’on ne le pense ...Connaitre, comprendre et respecter quelqu’un dans toute sa différence, quelqu’elle soit peut-être un atout autant individuel que collectif, et spécialement, dans ce climat « explosif ». Donc, voyons le en face : Si bien entendu nous n’avons pas les difficultés des publics nommés au dessus (et d’autant plus avec cette crise) nous pouvons les comprendre. Nous sommes tous, chacun à notre niveau, "empêché" et d’autant plus dans ce contexte.

Une des questions qui va alimenter alors nos cours est que pouvons-nous y faire artistiquement? Pour répondre à cette question, il nous est demandé  d’interviewer un médiateur culturel, avec un thème. Je pense rapidement à Cédrick Spinassou. Je le contacte et au fil de nos discutions, le thème de la violence s’impose naturellement à moi, on y revient.

Cédrick est acteur, réalisateur et médiateur, et nous partageons bon nombre de vues, dont la passion du cinéma. Il a une expérience importante et variée en tant que comédien et réalisateur. Il a travaillé en tant que médiateur culturel avec bon nombre de publics différents, autant avec des enfants que des adultes, autant des Français que des étrangers. Je suis particulièrement intéressé par son expérience avec des adolescents en difficulté scolaire. Pour certains, il s’agit uniquement de mauvais résultats. Pour d’autres, de comportements asocial et violents. Cédrick a la quarantaine, de corpulence moyenne, des yeux rieurs avec un éternel sourire d’enfant. Il a une formation d'ingénieur, ce qui le rend assez structuré, mais il a aussi un style bohème, et une énergie d’enfant bondissant. Je suis particulièrement intrigué par savoir comment il a géré ce cours,  avec ce type de public difficile… Mais d’abords son objectif : leur donner de l’enthousiasme, l’estime de soi, créer un film. Ainsi, il leur propose de leur enseigner de manière pratique tous les corps de métier du cinéma, de l'écriture à la réalisation. Comme on le sait, Le cinéma est un des médias majeurs de nos jours. C’est un art extrêmement populaire, accessible à tous. Il permet aussi les expérimentations les plus folles et les plus personnelles. Et d’autant plus de nos jours, ou les techniques se démocratisent.

Cédrick ainsi commence son cours en montrant des films formats courts qui peuvent parler à ces jeunes (le sport, les jeux vidéos, la musique, etc etc ) Problème : ces jeunes ont un sérieux déficit d'attention, les yeux souvent rivés sur leur smartphone. (comme beaucoup d’entre nous soit dit en passant ! ) » Jeux en lignes, réseaux sociaux, vidéo de sports, de violence etc » Ils sont distraits, impatients, et sont parfois même agressifs. Lorsque Cédrick en rappelle certains à la réalité du cours, mais aussi quand certains se jaugent, se confrontent en regard, en moquerie et en invective. Mais aussi quand le groupe dans sa grande majorité semble se liguer contre Cédrick et sa différence… Cedrick le bondissant va alors devoir se faire lui-même patient, et tout faire pour ne jamais tomber dans l’escalade de l’agression. Quand bien même, la colère monter en lui, d’impatience, de peur, ou même pour des raisons égotiques … Il ne cède pas aux préjugés, et aux jugements moralisateurs. Cédrick alterne alors des moments d'autorité, ou il s'agit de faire cesser toutes activités, le temps qu'on se calme et se recentre . Mais aussi d'autres, ou il se sert de sa bonne humeur naturelle et son enthousiasme. Il valorise alors individuellement autant que possible les jeunes. Il s’intéresse par exemple à ce qu’ils regardent sur leur smartphone et essaye de rebondir dessus. Ainsi si le sport, est la thématique qui revient, il tente de savoir si les jeunes dans leur majorité veulent en faire quelque chose en tant qu’objet de fiction cinématographique. Il favorise ainsi leurs personnes, leurs univers, leurs idées, leurs propositions. Il leur donne la parole. Ils créent ensemble un film !

Si, sa mission sera souvent un succès. Il va sans dire que, Cedrick compte tout de même quelques échecs. Des jeunes qui comme il l'a appris plus tard ont eu une suite problématique. L'enjeu étant aussi pour Cédrick, de voir en face ses propres limites, sa part d'humanité et d'imperfection, de ne pas s'oublier, … et d’accepter que certains éléments sont totalement hors de son contrôle. Le jeune avait une vie avant Cedrick et il en aura une après… Quoi qu’il en soit, comme on le voit, les efforts de Cédrick ont souvent payé. Il a su faire preuve d’exemplarité. Il a su installer un cadre, mais il a su aussi et surtout être patient et dans une écoute active. Il a su installer les conditions d’un échange entre lui et ces jeunes. Ils ont conjointement pu sortir de leurs habitudes, leur enfermement, leur univers intérieur. Cela leur a permis d’être plus présent, à être plus dans le partage. Ils se sont impliqué dans un projet collectif qui a du sens. Ils ont mutuellement su recréer du lien.

Maintenant si la réussite est globalement là, gardons nous d’en tirer trop rapidement des conclusions. En effet, il ne s’agit que d’une expèrience , et à la vue du monde dans lequel nous nous trouvons, nous pouvons penser que le problème est bien plus complexe et profond. Ainsi, pour commencer il serait interessant de nous interroger sur certains mécanismes qu’ont ces jeunes, au delà du débat sur l’ éducation ou le milieu social, des facteurs bien entendu important. Il m’apparait alors fondamental de nous questionner d’une manière anthropologique sur le rôle de la violence dans la culture humaine. Pour revenir  à ces jeunes, comme illustré, avec l’expérience de Cédrick le système dans lequel nous vivons n’arrange rien. Ce que ces jeunes vivent ne serait ce qu’avec leur addiction au smartphone, nous le vivons tous. Comme nous le savons nous évoluons, dans un système à domination consumériste : la société de consommation. Tout s’achète, tout se vend. Il y a entre autre, un afflux énorme et constant d’informations, de publicité, et pour en revenir à ce qui nous intéresse, de culture. En l’occurrence, nous avons là affaire à la culture dite de masse. On a le choix. Il y a de tout. Du bon, du moins bon, on en jugera. Toujours est-il que nous sommes submergé par cet afflux. Ajouté à nos activités quotidiennes, le fameux métro boulot, dodo, notre temps de disponibilité se réduit. D’autant que Le pouvoir appartient à celui qui attire le plus l’attention. Ce qui est le plus partagé est ce qui demande le moindre effort, et s’adresse avant tout donc au plus petit dénominateur commun. On vise à la sensation immédiate. On essaye de frapper le plus fortement possible la cible. Soi on est pris sous l’émotion, ce qui submerge notre intellect, soi on en devient désensibilisé. On en est « sonné ». Le recul critique de ce que l’on nous partage n’est pas forcément donc souvent encouragé. « Cette culture de masse peut avoir des effets pervers et produire une certaine forme de dépolitisation. C'est ce que démontre le linguiste Raffaelle Simone dans son ouvrage intitulé « Le Monstre doux ». Il s 'appuie pour illustrer sa thèse sur l'exemple de l'Italie contemporaine marquée par le Berlusconisme. Celle-ci incarnant en effet la prégnance de cette nouvelle forme de totalitarisme soft où l'injonction au divertissement et à la consommation substitue à la figure du citoyen celle d'un consommateur narcissique et indifférent au bien commun. » Ce n’est pas comme si ce système n’alimentait pas quelques problèmes, aussi bien sociologiquement donc, qu’économiquement, qu’écologiquement… « D’inspiration néolibérale, ce paradigme fonde une anthropologie d’un individualisme centré sur le soi : au nom de cette conception implicite de l’homme, on prône le développement autonome des capacités de l’individu dans un esprit de concurrence et de compétitivité ! « https://france.attac.org/nos-publications/les-possibles/numero-7-ete-2015/dossier-la-connaissance/article/anthropologie-culturelle-et-sociale-savoirs-critiques-et-regards-politiques-en Et c’est sans compter que grâce aux dernières technologies comme internet« avec la collecte de données, les algorithmes de recommandation nous proposent un contenu ciblé et personnalisé  »  … »Des algorithmes qui ont pour but, dans un souci de compétitivité de garder l’internaute sur leur site le plus longtemps possible... » Nous en devenons donc des drogués de cet afflux de « divertissement ». On est alors conforté dans ses opinions et gouts et habitudes. On pense à « soi » On s’enferme, on s’empêche. Donc, au mieux on échange avec des gens qui ont surtout les mêmes idées que nous. Ce qui d’un point de vue démocratique pose un petit problème. Sont alimentés inévitablement alors aussi les tensions ; les divisions, les replis identitaires, communautaristes, nationalistes, religieux. Dans un contexte ou notre société a donc quelques petits problèmes à résoudre... Autant dire simplement que le fait que nous soyons divisés, apathique, violents; conforté souvent dans notre individualisme, nous met tous en en péril… y compris quand en réponse, on constate le nombre d’idées de loi tentant de contrôler le chaos possible. Ce qui dans un contexte ou on développe l’intelligence artificielle au service d’un système lui-même déshumanisant offre des perspectives bien sombre également. Sujet en lui-même que je ne développerais pas ici pour ne pas trop digresser. Pour aller vite, je crois que la technologie est une bonne chose en elle-même, quand elle est au service de l’esprit humain, et ses merveilles… je citerais Bernard Stiegler sur le sujet « Je suis très critique, non sur la technologie, mais sur la manière dont on la pratique. Je ne crois pas du tout que la technologie soit neutre. Une technologie, si elle ne sert pas à produire du soin ou de la thérapeutique, elle produit forcément de la toxicité et de l’empoisonnement. C’est pour cela qu’il faut produire des thérapeutes, qui sont des prescripteurs. Pourquoi ne pouvez-vous pas aller à la pharmacie acheter des antibiotiques sans ordonnance médicale ? Car on considère que c’est dangereux et que cela doit être prescrit par des gens qui savent. »

Cela étant dit, il serait réducteur, voire absurde de faire reposer sur notre système tous les maux que nous traversons actuellement. Nous le savons tous, la violence est une composante de notre histoire, toutes époques confondues. De base, j’aurais eu tendance à penser, comme Jean-Jacques Rousseau (1712/ 1778) que l’homme est profondément bon et que la société le corrompt. Contre Thomas Hobbes (1588 / 1679), qui décrit l’état de nature comme un état de guerre, Rousseau fait de l’état pré-civilisationnel une époque de paix et défend le mythe du bon sauvage, être pur face à l’homme civilisé perverti. Si on peut penser à minima que notre système alimente ce que décrit Rousseau, a t’il raison ? Je ne le crois pas. Hobbes est-il plus dans le juste ? Sur la base de nos connaissances actuelles anthropologiques sur le rôle de la violence, on peut penser qu’ils ont tous les deux raisons, et tord. Comme le rapporte dans sa thèse René Girard, anthropologue, historien et philosophe français, (1923 /2015) il existe dans une même espèce une violence rivalitaire, la rivalité mimétique. Notamment, lorsque un mâle courtise une femelle. Il se crée le phénomène de l’imitation, et d’autres mâles sont attirés. Néanmoins, les luttes entre mâles pour la domination d’un groupe ou d’un territoire, s’achèvent rarement par la mise à mort d’un des adversaires. La fuite ou la reddition achèvent le combat. Mais, pourtant, nous les hommes allons jusqu’à tuer l’autre pour ce que nous convoitons … Pourquoi ? Pour tenter d’essayer de devenir ce que l’autre est. (lui-même par mimétisme du désir) le désir mimétique est une force puissante qui dresse les gens les uns contre les autres. Dans la fiction, pour prendre un miroir déformant et extreme, Le personnage de Scarface s’efforce (par des moyens criminels) de devenir un symbole de réussite. Il se dit inspiré par James Cagney et Humphrey Bogart. Il prend la femme de son patron, il n’accepte pas qu’on lui prenne sa sœur (avec qui il entretient des relations aux sous-entendus incestueux) il se veut plus fort, meilleur que ses partenaires (moralement, lorsqu’on touche à des enfants… choses intéressante, il ne peut pas en avoir et il en est malheureux)…. Il a été ainsi aussi découvert au cours des années 1990 par l'équipe de Giacomo Rizzolatti, professeur de physiologie humaine, à l'université de Parme, en Italie, le phénomène de « l’imitation différée » avec les neurones miroirs. Ainsi lors d’expériences, on met des électrodes sur la tête de macaque, et on se rend compte qu’elles s’activent, et que se produisent des grésillements, lorsque les chercheurs partent manger. De retour, ils voient les macaques manger eux même. D’après René Girard, c’est encore plus fréquent chez les hommes. Le même type de neurones s’activent, si on réalise un acte, mais aussi si on observe cet acte… On parle la donc d’une imitation instantanée, et non pas apprise… Le plus fameux exemple, nous vient en 1975 de l'Université de Washington, au site de Vancouver avec un nouveau-né âgé de douze minutes. On le voit tiré la langue au bout de quelques heures, en réponse au fait que celui qui faisait l’expérience lui avait lui-même tiré la langue… Ce phénomène d’imitation ne peut qu’expliquer la violence, puisqu’elle est d’abords rivalitaire. Force est de constater que le désir mimétique fait part belle à la violence, très souvent.

Comment le résolvons nous alors très souvent, collectivement, dans nos sociétés ?

D’une part, bien entendu avec la loi qui est censé nous protège des débordements. J’insiste sur le mot censé. Force est de constater qu’elle dysfonctionne (la justice, dans ce monde d’argent étant trop souvent à double vitesse en fonction des intérêts de chacun) d’autre, part, de toutes les façons, elle ne suffit pas. Nous le voyons la répression augmente et en mi-métis la violence en retour également. (soit dit en passant il ne s’agit en aucun cas d’un réquisitoire contre la justice ou les forces judiciaires, métiers nobles et difficiles, mais d’une évocation de problèmes structurels, couplé à des dérives individuels) Un même schémas particulièrement se répète à travers le temps, comme le souligne René Girard : le bouc émissaire. En effet, que ce soit dans beaucoup de mythes à travers le temps, ou dans notre histoire, on se ligue contre la fameuse bête noire… On le décharge de toutes nos rivalités, et de nos penchants destructeurs. Pour exemple, en ces temps de catastrophe sanitaire, passé le choc, l’instinct de survie (ou il y a eu beaucoup aussi de solidarité, nous reviendrons sur le sujet) nous cherchons le responsable, alors qu’il y a fort à penser à la vue de ce que nous dit la science, que nous soyons collectivement responsables (avec nos habitudes alimentaires, la surpopulation, l’utilisation des sols et du commerce mondial)… Ainsi certains diront que l’art adoucit les mœurs, qu’il canalise le désordre en lui donnant du sens. S’il n’agit que comme une catharsis, on peut douter de son efficacité, à terme, à enfermer « le mal » dans un simulacre artistique du sacrifice, dans le système dans lequel nous vivons, vu la violence libérée que nous pouvons constater. Aussi l’histoire d’Oedipe roi de Sophocle conte comment dans la ville Thèbe, gangrénée, par les fausses nouvelles et des débats virulents, on cherche désespérément celui qui a déclenché la peste. Œdipe est désigné comme celui qui pourra dénouer la situation. Il est le champion adoré de Thèbes pour l’avoir débarrassé du sphynx qui désolait la ville en posant des questions insolubles aux voyageurs, les dévorant devant leur incapacité à répondre. Oedipe jure alors de trouver le coupable. Et au terme d’une longue enquête est désigné comme celui qui a amené la peste. Sa faute ? Avoir transgressé les règles, avoir tué son père et épousé sa mère….sans savoir qu’ils étaient ses parents, étant un enfant abandonné. Sa transgression et ses fautes apparaissent comme le motif le rendant coupable de tous les maux. Plus tard, le Christianisme fait don à l’humanité de sa première prise de conscience collective sur le sujet du bouc émissaire, lui révélant toute son ignominie. On sacrifie là un « innocent » identifié comme tel en le rendant coupable de tous les problèmes que rencontre la société. Il y a alors décharge cathartique de la violence du groupe, puis honte collective et enfin déification. René Girard conclut ainsi qu’étant donné que le Christianisme révèle dit une vérité sur l’homme, il est impossible à vivre… Dans cette idée, René Girard comprend que c’est une des raisons majeurs pour laquelle l’homme moderne rejette le Christianisme. On peut considérer aussi que le sentiment de culpabilité a tellement été détourné à des fins discutables que cela se comprend. Combien de fois entend-on, de la bouche de politicien par exemple, que telle ou telle partie de la population est responsable (comme le Français qui serait fainéant), en dépit des faits ? Combien l’accepte jusqu’à que survivre devienne trop insupportable, et que la colère se déchaine ? … Reste à déterminer si en contre coup, nous n’allons pas avancer en tant que groupe en désignant de nouveau des boucs émissaires à l’« aveugle ». Le nationalisme et le repli sur soi, nous indique cette direction. Quoi qu’il en soit, pour René Girard la conception du sacrifice est par conséquent branlante, et il faut contribuer à sa destruction. Je ne peux que le rejoindre sur cette idée. Il serait sans nul bienvenu de se débarrasser donc, du capitalisme et son paradigme de la compétitivité qui favorise inévitablement le «tous contre tous », mais cela ne peut pas suffire… nous l’avons démontré au-dessus.

En l’état de nos connaissances, je crois en tout cas que la nature humaine nous renseigne sur l’espoir que nous avons la possibilité d’aller, vers des lendemains meilleurs. D’une part, comme l’a montré l’expérience de Cédrick Spinassou, Le désir mimétique lui-même peut contribuer à un monde plus apaisé. Les comportements exemplaires sont désirables… Comme le dit René Girard « vous me tendez la main, je vous tends la mienne » … De plus, quand on observe le monde animal, si la prédation existe entre espèce, elle n’est pas la règle qui régit à la vie sociale d’une même espèce. Comme le dit Françoise Héritier, anthropologue, ethnologue « On n’observe pas alors de brutalités ni d’oppression systématique des mâles sur les femelles, des adultes sur les jeunes. »« Nous observons que, la vie quotidienne des groupes, de quelque façon qu’ils soient constitués selon les espèces, est plutôt marquée par la cohésion et la coopération. Comment de toutes les façons aurait-on pu construire des sociétés si cela n’était pas le cas ?

Pablo Servine auteur et conférencier français, théoriciens de la collapsologie, » avec Gauthier Chapelle, ont fait un tour d’horizon des recherches en cours et ont trouvé de l’entraide à de nombreux niveaux » « Des études ont démontré que le « chacun pour soi » en cas de catastrophe n’était qu’un mythe. En 2005, lors de l’ouragan Katrina à la Nouvelle-Orléans, le chef de la police a fait croire qu’il y avait des meurtres et des pillages pour favoriser l’envoie de policiers sur les lieux. Plus tard, ce chef de la police a avoué qu’il avait menti et les témoignages ont montré qu’il y avait eu beaucoup de solidarité entre les gens. Le premier réflexe en cas de catastrophe c’est l’entraide. « Les pénuries et les milieux hostiles favoriseraient l’entraide », souligne Pablo Servigne en insistant sur le fait que ceux qui survivent sont ceux qui coopèrent le plus et non le plus fort. » En ces temps de catastrophes sanitaires, et écologique, on peut prendre conscience à quel point nous sommes interdépendant… Mais, « Pourquoi la population a cru le policier ? Parce que nous avons été élevés dans le mythe d’une loi naturelle sans concession où seuls les plus forts survivent. »

Est ce à dire que des mensonges, des mythes, l’art lui-même, servent à alimenter et perpétuer certains de nos égarements ? Cela me renvoie en tout cas à la perception qu’on a en temps « normal » d’autrui. J’en veux pour exemple les classes populaires. Trop longtemps, (et encore aujourd’hui) comme d’autres couche de la population (femmes, minorités, handicapés etc) les classes populaires se sont senties inférieur, méprisés. Pour revenir plus spécifiquement sur le sujet de la culture, elles ne sont pas senties légitimes, à y accéder. D’abords, car les pouvoirs en place à travers le temps (de manière mimétique) ont pratiqué une hiérarchisation de la culture. Pour Pierre Bourdieu « La principale fonction de l'art est d'ordre social... La pratique culturelle sert à différencier les classes et les fractions de classe, à justifier la domination des unes par les autre. »Il y a la culture dite légitime (ou savante) comme l’a analysé Pierre Bourdieu, (exemple : la littérature classique) qu’on enseigne à l’école Et il y a la culture populaire « que l’on réduit pour aller vite « à la barbarie ou à la vulgarité. Et c’est une « erreur » fondamentale, D’une part, la culture dite légitime permet surtout comme le dit Bourdieu d’affirmer sa classe sociale : comme lorsqu’on acquiert une voiture luxueuse, on affirme sa richesse économique, en étant en contact avec les «classiques » (littérature, cinéma, théâtre, etc…) on impose son bagage culturel et sa classe sociale, c’est-à-dire son appartenance à une classe plus élevée. … Par ailleurs, comme l’a évoqué Johann Gottfried von Herder les traditions populaires fondent la culture d'une nation et forgent son développement historique. « Pour Johann Gottfried von Herder, les classes paysannes sont tout à la fois les dépositaires, les véhicules et les gardiennes d'un « génie du peuple », qui s'est modelé par le contact des hommes avec la terre et le climat et qui s'est transmis d'une génération à l'autre, depuis l'Antiquité, dans la langue, notamment dans les productions langagières populaires de tradition orale, telles les épopées, les contes et les légendes. Dans une vision universaliste, Herder soutient que chaque peuple possède son « génie » unique et singulier …» (wikipedia) Il ne faut pas y voir là, pour autant du patriotisme exacerbé « « Herder récuse le patriotisme exclusif des anciens, qui regarde l'étranger comme un ennemi. Il veut, quant à lui, voir et aimer tous les peuples en l'humanité, dont il dit qu'elle est notre seule vraie patrie. » Donc cette vision de la culture des peuples est tout aussi vrai à mon sens, pour la dite sous culture comme ou la bande dessinée ou les jeux vidéos, pour ne prendre que des exemples plus proche de nous. (avec le bémol évidemment que souvent elle alimente la culture de masse) Ainsi, si on vous fait passer le message à longueur de temps que votre culture n’est pas digne, on ne peut difficilement se sentir valorisé. Quand la culture dite légitime semble avoir en plus avoir un « langage » qui est éloigné du vôtre, et que y accéder à un cout monétaire, forcément, on ne peut que se dire que ce n’est pas pour soi. Forcément il y un impact social, vous vous auto assignez, et on vous le rend bien, on vous juge. Il y a racisme social, Il y a empêchement. Dans le pire des cas, on finit par l’accepter comme quelque chose de naturel dans ce qu’appelle Pierre Bourdieu la violence symbolique. "Un rapport de force (entre groupes sociaux) converti en rapport de sens (on est plus ou moins « doué » pour l’école) avec la complicité active des dominés qui le reconnaissent comme légitime (« c’est vrai que je ne suis pas très fort en français »). C'est par conséquent une violence qui s'exerce avec la complicité tacite de ceux qui la subissent et de ceux qui l'exercent. Les uns et les autres sont inconscients de subir cette violence" Dans le « meilleur » des cas, en retour, il y a de la colère… au risque, comme vu plus haut qu’elle ne soit plus gérable.

Donc, si de toutes évidences, il y a beaucoup de travail, autant dire que tout cela me donne matière à penser que nous pouvons, et devons déconstruire certains de nos travers, par le biais aussi de la culture et la médiation culturelle. Une opinion que je me suis vu renforcée avec toutes les interviews et expériences formidables que nous avons réalisé ce semestre. Il nous a été partagé Le travail de groupes de personnes très différentes, ou l’artiste est pleinement un médiateur dans le sens noble du terme, respectant l’individualité, favorisant les forces de chacun… à partager, à s’impliquer dans un projet collectif. J’en aurais aussi conclu qu’Il n’y pas UNE technique, il n’y a pas un mode d’emploi, il n’y a pas un comportement idéal. Il y a autant de méthodes que de médiateurs, d’artistes, d’usagers, d’individus, de cultures. S’il y a une méthode, ce serait plutôt une philosophie qui consisterait à laisser de cotés ses préjugés, son renfermement dans son univers. Il faut avant apprendre à se connaître et ne pas s’oublier bien sûr… mais être aussi et surtout dans une écoute, d’autrui. Il s’agit alors de changer notre regard, et voir autrui, comme un partenaire, qui a comme nous ses forces et ses faiblesses, son parcours, sa culture. Il nous faut être patient et nous laisser surprendre. Chaque situation peut nous en apprendre de la plus belle des façons ; Comme nous avons pu le voir, pendant nos cours avec Jean-Pierre, ça en devient magique, et c’est une source intarissable d'inspiration pour nous tous.

Pour finir, comme nous l’avons vu : dans ce monde problématique et violent, la place de l’action culturelle et de l’artiste en générale est plus que jamais essentielle. On ne le répétera jamais assez mais si l’art et la culture, peuvent participer du divertissement elle peuvent être aussi et surtout à la fois des experiences cathartiques, réflexives, émancipatrices ….et démocratique. Elle peut nous aider à trouver le moyen de nous libérer de nos habitudes, nos imaginaires réducteurs, à nous rendre plus critiques, plus libre.... à nous exprimer pleinement. Elle peut contribuer à recréer du lien et à nous rassembler, pour un futur meilleur... Comme le dit Denis Thomas" passer d’une société de bien à une société de lien."
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MessageSujet: Re: Le role de l'action culturelle et de l'art en direction des publics empéchés.   Le role de l'action culturelle et de l'art en direction des publics empéchés. Icon_minitimeMar 22 Déc - 20:41

merci pour ce travail très intéressant.

Cette phrase m'a frappé car c'est très beau "« Herder récuse le patriotisme exclusif des anciens, qui regarde l'étranger comme un ennemi. Il veut, quant à lui, voir et aimer tous les peuples en l'humanité, dont il dit qu'elle est notre seule vraie patrie. »

C'est une idée merveilleuse.

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MessageSujet: Re: Le role de l'action culturelle et de l'art en direction des publics empéchés.   Le role de l'action culturelle et de l'art en direction des publics empéchés. Icon_minitimeMer 23 Déc - 0:32

L'art et la culture sont essentiels, sur un plan individuel (développement personnel, découverte, bien-être...) mais aussi collectif, puisqu'ils sont un des chemins vers l'altérité qui est la reconnaissance de l'autre dans sa différence. Donc la clé pour la sociabilité et le vivre-ensemble. On en reviens donc aussi à la violence. Sans altérité c'est la porte ouverte à toutes les violences.
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MessageSujet: Re: Le role de l'action culturelle et de l'art en direction des publics empéchés.   Le role de l'action culturelle et de l'art en direction des publics empéchés. Icon_minitimeMer 23 Déc - 8:50

japrouvecbien

Absolument.
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MessageSujet: Re: Le role de l'action culturelle et de l'art en direction des publics empéchés.   Le role de l'action culturelle et de l'art en direction des publics empéchés. Icon_minitimeMer 23 Déc - 8:51

Heathcliff a écrit:
merci pour ce travail très intéressant.

Cette phrase m'a frappé car c'est très beau "« Herder récuse le patriotisme exclusif des anciens, qui regarde l'étranger comme un ennemi. Il veut, quant à lui, voir et aimer tous les peuples en l'humanité, dont il dit qu'elle est notre seule vraie patrie. »

C'est une idée merveilleuse.


Merci, j'aime beaucoup cette phrase aussi respect2
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Le role de l'action culturelle et de l'art en direction des publics empéchés.
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