Nous sommes en décembre 1947 et Carl Barks , dessinateur de comics Disney responsable des aventures de Donald, invente le personnage de Scrooge McDuck plus connu chez nous sous le nom de Balthazar Picsou.
Ce personnage qui deviendra célèbre provoquera une fascination chez les jeunes enfants et plus particulièrement chez Keno Don Rosa qui rêve d’être à son tour dessinateur. Après quelques bédés au succès relatif (Captain Kentucky) dans les années 70, il rejoint en 1987 la maison d’édition Gladstone pour sa première histoire Disney.
Fan inconditionnel de Barks qu’il considère comme un grand maître , Don Rosa se lance dans une entreprise folle : Dénicher, Regrouper et Synthétiser tout les détails , les personnages , toutes information sur le passé et l’histoire des héros et les restituer dans un ordre chronologique au sein de plus de 450 histoire inventée par son mentor prolifique !
En partant des suggestions et autre sous entendus de Barks , il va très vite se constituer une base de donnée trés complète sur son oeuvre et pouvoir par la même constater qu’il à sous la main de quoi faire un univers détaillé et une véritable épopée humaine.
Qu’il en soit ainsi , par amour envers son idole , Don Rosa dessinera toutes ses histoires en prenant compte de ce que Barks à établis. Ce respect de l’oeuvre originelle trouvera son paroxysme dans l’inscription D.U.C.K présente en clin d’oeil dans ses planches et qui signifie « Dedicated to Unca Carl from Keno » . Et si vous interroger l’artiste sur une date hypothétique de la mort du canard sa réponse est sans appel. 1967 étant le départ à la retraite…de Carl Barks. Désireux d’en savoir plus sur les quelques pistes disséminé ça et la par son ainé , Don Rosa prend le parti de dévoiler les origines du canard et de remonter aux sources du mythe. Comment Picsou est t’il devenu l’homme le plus riche du monde ? Quel à été son parcours ? Depuis quand remonte (et pourquoi) la rivalité avec les Rapetous ? Autant de questions qui trouveront leurs réponse dans la pierre angulaire de l’oeuvre de Don Rosa : La Jeunesse de Picsou.
A travers un château lugubre hanté par des fantômes du passé , des pièges anciens dans des temples oubliés (et dont la fameuse séquence d’ouverture du premier Indiana Jones avec sa boule géante est clairement inspiré) jusqu’à la ruée vers l’or au Klondike en passant par les plaines de l’Arizona, l’auteur mêle avec brio les genres qui ont bercé sont enfance tout en contextualisant son récit dans un ancrage historique.
Car la est la grande forçe de la Jeunesse de Picsou. Non content de narrer les débuts du canard grincheux , Don Rosa peint une fresque sur l’Amérique et son histoire , ses symboles fondateurs et ses désillusions , sa grandeur et ses contradictions. Un travail qui n’est pas sans rappeler le point de vue crépusculaire du cinéma de Clint Eastwood, autre idole qui aime à déconstruire les mythes qui font le fondement des État-Unis. Ainsi Picsou rencontrera le futur président Théodore Roosevelt , Buffalo Bill , l’indien Géronimo mais foulera également le pont du célèbre Cutty Shark et fera même parti des passager du Titanic.
Picsou en proie au doute vis à vis de Goldie , sa seule flamme.Touchant dans le parcours qu’il narre d’un immigré écossais voulant croire lui aussi au fameux American Dream , profondément humaniste dans son message , le personnage de Picsou bénéficie d’un psychologie fournie et d’un traitement en profondeur. Faisant fi de tout manichéisme nous découvrons un individu tantôt fragile , fier , courageux , rongé par le doute , par un amour impossible et traîné dans la boue toute sa jeunesse (notamment une scène poignante ou Picsou , enchaîné et humilié devant toute une salle de bandit apprend de la bouche de son pire ennemi la mort d’un de ses proche) mettant intelligemment en lumière les raisons des qualités et défaut de sa personnalité tels que nous la connaissons aujourd’hui. Mieux , Don Rosa ira jusqu’à présenter le personnage comme faillible et n’hésitera pas à nous montrer qu’il peut se comporter parfois comme le dernier des salopards (voir une aventure ou il n’hésitera pas à brûler un village indigène par appât du gain) , égoïste au point de perdre sa famille à renfort d’attitude haineuse , d’actes cruels et de phrases assassines digne d’un monstre. Un basculement du bosseur acharné à l’ordure dont le point d’orgue est cette magnifique histoire du Zombie pourchassant l’écossais aux quatre coins de la planète (si ça c’est pas une métaphore ultra bien foutu de la culpabilité de l’homme blanc ça)
Autant d’aspect témoignant de la complexité humaine et qui ne font que redorer le vieux Picsou , homme brisé par la vie et rongé par ses erreurs qui , si il est avare en pognon n’en est pas moins généreux de coeur , faisant de sa nouvelle famille retrouvée (Ses trois petit neveux et Donald , dont la première rencontre est fameuse) un second souffle et le bien le plus précieux du monde , vérité qu’il ne sait que trop douloureusement , et qu’il tentera de protéger à tout prix. Même si un centime de l’heure est amplement suffisant comme salaire , faut pas déconner quand même.
Comment résumer en quelque cases toute la dichotomie d'un personnage iconique.En présentant un tel individu au destin incroyable et riche nous confinant face à nos propres interrogations, qui finit toujours par se relever , apprend de ses erreurs et donne une belle leçon d’humanité au sein d’une fresque épique inscrite dans l’histoire des U.S.A , Don Rosa signe la un bijou narratif qu’on peut incontestablement considérer comme un chef d’oeuvre de la bande dessinée et dont la portée symbolique n’a d’égal que ses dessins magnifiquement détaillés et précis.
En espérant que ça puisse tenter certains.