Synopsis En instance de divorce et désespérée, Sarah Lawson rend visite à son
frère, Robert Harmon, écrivain noceur et alcoolique en liaison avec une
chanteuse, Susan. Robert se voit imposer par son ex-femme la garde pour
24 heures de son fils de huit ans, qu'il n'a jamais vu auparavant.
L'enfant sera terrifié par l'univers hédoniste et décadent de son père
mais lui témoignera toutefois son amour.
Après son fils, Robert,
habituellement individualiste à l'extrême, doit à présent s'occuper de
sa sœur, sa « meilleure amie ». Sarah Lawson, à l'instar de Mabel
Longhetti, le personnage d’Une femme sous influence également
interprété par Gena Rowlands, est une femme dépressive borderline
faisant des séjours réguliers en hôpital. Son mari Jack, lui-même mal
dans sa peau, souhaite d'abord divorcer et ne garder leur fille que le
week-end mais cette dernière préférera finalement vivre auprès de son
père et tous deux rejetteront Sarah.
Réfugiée chez son frère, Sarah
tente avec un certain succès de freiner l'auto-destruction nihiliste de
Robert en l'entourant d'animaux. Ils vivent un amour fraternel intense.
LA genèse de LOVE STREAMSAu début des années 80, John Cassavetes, éreinté par ses relations
houleuses avec les grands studios, décide de retourner à son premier
amour, le théâtre.
En effets, à ses débuts, en parallèle d’une
carrière d’acteur de second rôle, il avait monté, à New York, un
atelier d'enseignement théâtral (le Variety Arts Studio) où l’on
privilégiait l'improvisation et le travail de groupe. Les travaux
réalisés au sein de ce cours ont constitué la base de départs de son
premier essaie derrière à la caméra : SHADOWS
Après la sortie de Gloria, film récupéré par la MGM et qu’il regrettera, il
s’attelle à l’écriture et la mise en scène de la pièce « East/West
Games. » où il dirige pour la première fois son fils, Nick Cassavetes,
qui deviendra lui aussi réalisateur.
Nick Cassavetes et sa mère Geena Rowlands.John Cassavetes met ensuite en scène trois autres pièces qui forment une
trilogie intitulée Three Plays of Love and Hate (Trois pièces d'amour
et haine).
Les deux autres sont de l'auteur canadien Ted Allan : The
Third Day Comes (avec Nick Cassavetes et Gena Rowlands) et Love Streams
(avec Gena Rowlands et Jon Voight).
Cette dernière fait certainement
échos en lui car il se décide à l’adapter en film et, finalement à
interpréter l’un des deux rôles principaux, après le renvoie de
l’acteur John Voight.
Confession de l’auteurVous jouez dans Love Streams alors que
ce n'était pas prévu…Quelques semaines avant le début du tournage,
Jon Voight qui, comme Gena
Rowlands, devait reprendre son rôle du
théâtre à l'écran, m'a annoncé vouloir réaliser
lui-même le film. J'ai alors été obligé
de l'évincer et je me suis retrouvé contraint
d'incarner le personnage de Robert
Harmon. J'ai repris ce rôle, mais à contrecœur.
Ça a été très délicat. J'en ai voulu à
Jon de nous avoir abandonnés. Du coup, il
y a eu de nombreux changements. Je n'ai
ni la personnalité de Jon, ni son tempérament.
Et je ne parle même pas de la ressemblance
physique qui existe entre lui et
Gena. Ils sont blonds tous les deux ; et ils
donnent vraiment l'impression d'avoir un air
de famille. Parce que Jon et moi n'avons
rien en commun, j'ai dû tout changer.
Primo, je n'ai rien d'un séducteur - j'étais
donc paumé. Incarner un séducteur, c'était
taillé sur mesure pour Voight, mais moi, j'ai
tout sauf le physique de James Bond, alors
que le personnage de Robert Harmon vit
entouré de filles. Je me trouvais bien trop
vieux pour le rôle et je trouvais ça déplacé.
Jon l'avait interprété de manière hilarante
au théâtre. Il était vraiment formidable.
J'aurais adoré pouvoir marcher sur ses
traces car je préfère nettement son interprétation
à la mienne. Mais j'en étais incapable.
Il fallait que je m'y prenne différemment.
Je me suis donc plongé dans le scénario,
il fallait que je découvre la nature de
ces deux personnages, frère et sœur, leur
essence : leurs types d'existence, leurs
échecs, leurs mystères, le grand vide qui
les entourait.
Comment définiriez-vous Sarah, jouée par
Gena Rowlands, la soeur de Robert Harmon ?C'est comme si Sarah et Robert rêvaient
l'un de l'autre ! Robert voit Sarah avec un
amant, ce qui provoque en lui une série de
réactions complexes - le rêve classique
frère-soeur, si ce n'est qu'ici il s'agit de la
réalité. Sarah voit Robert s'enfuir virtuellement
de la maison chaque fois qu'elle a
besoin de lui - le rêve classique de rejet,
mais, une fois de plus, il s'agit de la réalité.
Sarah achète des animaux que Robert pourrait
aimer, puisqu'il ne croit plus en l'homme.
Elle se dit que les animaux pourraient
être pour lui un bon moyen d'apprendre à
aimer. Mais il faut voir de quels animaux
on parle ! Deux poneys, une chèvre, un
canard, des poules et un pitbull, qu'elle installe
dans la maison d'Hollywood Hills de
Robert ! Comme dans un rêve, les animaux
ont pris possession de la maison, et Robert
et Sarah semblent désormais pris dans le
même rêve dont ils ne peuvent se réveiller
puisque, en fait, il s'agit de leurs vies.
Les femmes ont toujours su obtenir ce
qu'elles voulaient. Sarah, elle, n'abandonne
jamais, parce que, pour elle, l'important
c'est d'aimer. C'est tout ce qui compte car
sans amour il n'y a pas de miracles. Ça me
froisse quand j'entends les gens dire que
Sarah est folle. Elle voudrait que l'amour
soit quelque chose de spécial. Ça n'a rien
de fou ; c'est simplement compliqué. Elle
ferait tout pour être aimée. Tout. Elle
essaie d'obtenir de son frère ce qu'elle n'a
pas pu avoir avec son mari, mais c'est
impossible. Il n'a jamais eu le courage d'aimer
(rires). J'adore raconter toujours les
mêmes histoires.
En quoi la mort dirige-t-elle ce film ?Je ne suis plus un jeune homme, et je chéris
la mémoire de mon père et de ma mère.
C'est eux qui m'ont donné le goût à la vie,
par la manière dont ils ont dirigé notre
famille et ont orchestré nos existences. Ce
besoin d'avoir une famille est ancestral ; du
coup, lorsqu'on n'en a pas, on ressent un
grand vide. Ce besoin de voir mon père
s'est transmis à mes deux personnages, qui
sont eux-mêmes en quête de leur père, de
leur mère et de leur vie de famille, laquelle
est même devenue écrasante, dans mon
cas, depuis que ma mère, mon père et mon
frère ont disparu (le père de John
Cassavetes est mort quatre ans avant Love
Streams, sa mère seulement six semaines
avant le tournage). Love Streams m'a aidé
à poser des questions : qu'est-on sans
famille ? S'il ne vous reste qu'un proche,
quel rapport avoir avec lui ? Comment
exprimer son amour ? Mourrons-nous sans
jamais avoir exprimé quoi que ce soit ?
Poursuivrons-nous notre existence sans
jamais rien exprimer ? Et ce questionnement
me semblait très intéressant, parce
qu'il explorait un sujet capital. C'est le film
le plus triste que j'ai jamais réalisé, sans
conteste.
Est-ce un hommage à Gena Rowlands ?Pendant des années, je n'ai pensé qu'à moi.
J'invoquais le droit des artistes à n'être
bridé par rien ni personne. Et puis j'ai voulu
faire un film pour Gena, pour me faire pardonner
d'avoir gâché la vie de mon épouse
depuis si longtemps, en ne cessant de tourner,
de me saouler, de m'éloigner en permanence
de la maison. Ce qui, pourtant, ne
l'a pas empêchée de rester à mes côtés,
même enceinte, enfant après enfant. Ce
film est un hommage à toutes les saletés
que j'ai pu lui faire. (…)
Mon avis et autre digressions :Il y a de cela six ans, au cours d’une discussion avec une collègue
cinéphile, je la vois stupéfaite d’apprendre que bien je connaissais
John Cassavetes de nom, je n’avais jamais vu un de ses films…
« Comment ? Tu vas commencer à prendre des cours de théâtres, méthode
Actor studio, tu adores le cinéma et tu n’as jamais vu un de ses films
???? »Le lendemain, elle me ramène quatre films : Shadows,
Faces, une femme sous influence et Opening Night. Al ‘époque j’avais un
boulot qui me permettait de bosser tout en regardant un film (il y
avait une télé et un combi DVD-magnétoscope. En deux jours, j’ai vu les
quatre films et un constat s’imposait : Ce Cassavetes mérite sans
conteste sa réputation de géant.
En me rendant à mon premier court
de théâtre, c’est le type de jeu distillé dans sa filmographie qui
m’accompagnait et sans jamais avoir atteint le niveau d’interprétation
et d’instinct de Geena Rowlands, Peter Falk ou Cassavetes, ils m’ont
guidé d’une certaine manière.
Pourtant, vu le prix des DVD, je n’en ai jamais revu jusqu’à hier soir…
Quelle claque !
Le parcours de ces deux âmes perdus vous attrape par le collet et ne vous lâche pas jusqu’à la fin.
L’un écrivain reconnue, alcoolique, amateur de femmes et dont la vie est en chute libre, ne se bat plus : Il est le frère.
L’autre,mère d’une jeune fille dont elle perd la garde lors du divorce est
victime de sa vision de l’amour. Un amour qui doit être comparable à un
grand flux continu (love streams) et dont elle ne reçoit rien en retour
: Elle est la sœur.
Pourtant, jamais leur relation n’est précisée.
Ancien amant, meilleurs amis, frère et sœur, le doute plane. C’est
assurément une volonté du réalisateur car, à deux reprises des
personnages annexes les interrogent mais ils restent évasifs, presque
le sourire en coin.
Il y a tout dans love Streams : de l’amour bien
sur, mais aussi de la violence, de la comédie, du rêve –cauchemar, du
burlesque, de la débauche…
Mais l’élément principal est l’humain et ses tourments…
Et pour nourrir son spectateur de multiples ingrédients (dire que Love
Streams est riche relève du pléonasme), John cassavetes, comme à son
habitude, ne noie pas son film dans un déluge de dialogues. Sans être
un film muet, l’apport principal d’informations passe par les gestes et
les expressions des comédiens. (Le meilleur exemple passe par cette
scène entre la sœur, son ex mari, sa fille, leurs avocats et Madame le
Juge. On perçoit toute la faiblesse et le déséquilibre de Sarah alors
que le dialogue essaye de dire tout son contraire)., mais aussi par
l’image et le son.
Cassavetes dirige des scènes qui s’inscrivent
vraiment dans la tête du spectateur : La scène où Sarah qui veut aider
son frère décide d’acheter des animaux pour qu’il soit enfin un contact
avec quelque chose. Si il a du mal avec les humains, pourquoi pas
essayer les animaux ? A partir de là, Cassavetes identifie son
personnage à celui de Noé, transformant sa maison en véritable arche…
3 scènes de rêves/délire de Sarah (qui ont un côté année 70) viennent
ponctuer le film à différents moments. Cela aurait pu être kitch mais
il ne le fait qu’à trois reprises, à des moments très approprié et dont
le sens est si à propos que l’ont en vient à se dire : Tous les effets
de style représentatif d’une époque ne vieillissent pas aussi mal s’ils
sont utilisé avec intelligence…
Mais finalement, en dire plus serait
un manque de respect à ce film. Tout ce que je peux vous dire, c’est
que ma priorité est de me procurer toutes l’œuvre de Cassavetes le plus
rapidement possible pour voir et revoir ses films. Car si vous ne
l’avez pas déjà compris ????
I LOVE « LOVE STREAMS »