SynopsisDeux inspecteurs des narcotiques, Buddy Russo (
Roy Scheider) et Jimmy Doyle (
Gene Hackman) décident de filer Sal Boca (
Tony Lo Bianco),
qu’ils soupçonnent de tremper dans du trafic de drogue. Rapidement, ils
se retrouvent sur la piste d’une grosse livraison d’héroïne en
provenance de Marseille, organisée par un certain Alain Charnier (
Fernando Rey).
Mais, faute de preuves et en raison du tempérament instable et violent
de Doyle – qui a causé la mort d’un policier lors de sa dernière
investigation – ils peinent à obtenir le soutien de leurs supérieurs.
CritiqueWilliam Friedkin réalise avec
French Connection son premier grand film – en tous cas son premier grand succès – puisque
L’Exorcistesortira deux ans plus tard. D’entrée, il affirme un style et une
approche bien spécifique que l’on retrouvera dans tous ses grands films
et qui se caractérise, entre autres, par un réalisme saisissant, une
violence sèche et brute, des personnages souvent ambigus et toujours
sur le fil du rasoir.
L’originalité de
French Connection et la raison
pour laquelle ce film révolutionna le genre et reste aujourd’hui d’une
stupéfiante modernité, résident dans plusieurs aspects du film qui
l’élèvent très au dessus du simple polar efficace auquel son sujet
aurait pu le cantonner.
Cette originalité se situe notamment au niveau des personnages du
film, dont le traitement est tout sauf manichéen. Les trafiquants ne
sont pas diabolisés – Alain Charnier est dans plusieurs scènes montré à
son avantage (gentil et doux avec sa compagne, correct avec ses
associés) – et les policiers sont loin, mais alors très loin d’être des
héros irréprochables.
Friedkin aime les personnages
au bord de la rupture, qui plongent tête baissée dans un univers où,
très souvent, leurs propres démons les guettent (l’inspecteur infiltré
joué par Al Pacino dans
Cruising, le flic inconscient et à moitié allumé interprété par William L. Petersen dans
Police Fédérale Los Angeles). Jimmy Doyle (génial
Gene Hackman)
est typique de cette typologie de personnages privilégiée par le
réalisateur. Violent, instable, alcoolique, il bouillonne dans chaque
séquence. Sa personnalité et son côté « dirty » contribuent largement à
la réussite et à l’originalité de
French Connection.
Si sa quête est d’apparence louable – il lutte avec acharnement contre
le trafic de stupéfiants – il la noie dans une colère aveugle qui finit
par lui fait perdre tout son sens et par le condamner au vide et à
l’obscurité. Le dernier plan du film est significatif : Doyle est un
personnage damné, emprisonné dans sa propre violence.
Le scénario du film est basé sur un roman lui-même tiré de faits réels – la
French Connectionqui donne son titre au film ayant bien existé – et le scénariste et le
réalisateur ont clairement pris le parti de privilégier le réalisme et
l’authenticité. Les interrogatoires, les descentes dans les bars
louches de Brooklyn, les filatures interminables :
French Connectiondétaille tous ces aspects du quotidien des policiers et du déroulement
d’une investigation en n’hésitant pas à en faire de longues séquences,
là où un autre réalisateur aurait désamorcé cette mécanique fascinante
en cherchant à accélérer le rythme du film. On avait rarement vu dans
un film policier une telle volonté de coller à la réalité du terrain.
Friedkinétait indéniablement le réalisateur idéal pour cela, quand on connait
son talent pour restituer une ambiance, pour montrer un environnement
et les personnages qui y évoluent avec un sens du détail et de
l’authenticité extraordinaires. La réalisation (beaucoup de scènes sont
filmées à l’épaule), la bande sonore, à laquelle
Friedkinaccorde toujours une importance fondamentale, les figurants, les décors
et le jeu des acteurs principaux, tout contribue à ce que le spectateur
sente aussi bien les rues de Marseille que les bas fonds de Brooklyn,
ses toxicomanes et ses indicateurs, ses flics, ses voyous à la petite
semaine et ses trafiquants de drogue. C’est donc le souci du réalisme
et la volonté de dépeindre les choses et les hommes tels qu’ils sont
sont, sans les diaboliser ou les glorifier, qui donne à
French Connection un cachet tout à fait unique.
Le traitement de la violence est typique du cinéma américain des
seventies et du Nouvel Hollywood. Les impacts de balles sont restitués
à travers des plans brefs mais choquants, comme dans cette séquence ou
Pierre Nicolis, l’homme de main de Charnier – interprété par le
français
Marcel Bozzuffi – tire à bout portant dans le visage de sa victime. Le plan sur le visage défiguré par la balle évoque ceux que
William Friedkin tournera plus tard dans
Police Fédérale Los Angeles.Cette manière très frontale et violente de filmer la mort des hommes n’est pas qu’un effet visuel chez
Friedkin; le réalisateur semble fasciné par la destruction et la mort qui
guettent la plupart de ses personnages, et surtout, par le rapport de
ces personnages avec leur propre destruction. L’inspecteur Doyle (
Gene Hackman dans
French Connection) et Chance (
William L. Petersen dans
Police Fédérale Los Angeles)
donnent l’impression qu’ils sont littéralement happés par le vide et la
violence, que celle-ci est omniprésente non seulement dans leur
environnement, mais à l’intérieur d’eux-mêmes.
French Connection réunit un casting de premier ordre.
Gene Hackmanprête sa gueule de dur et son talent au personnage de flic violent et
instable Jimmy Doyle, tandis que son coéquipier est campé par le
regretté
Roy Scheider, une autre « gueule » du cinéma américain souvent mésestimé (on a à peine évoqué sa mort en France).
Scheider retrouvera
Friedkin quelques années plus tard dans
Le Convoi de la Peur (
The Sorcerer).
Il y aussi, dans le rôle de l’intermédiaire entre Alain Charnier et les acheteurs américains,
Tony Lo Bianco, qui s’illustrera notamment dans la très bonne série B
Meurtres sous contrôle. Dans le rôle du porte-flingue de Charnier,
Marcel Bozzuffitrouve l’un des meilleurs rôles de sa carrière. Habitué aux personnages
de durs, aux flingueurs, le comédien a tourné entre autres avec
Jean-Pierre Melville (dans
Le Deuxième Souffle) et Yves Boisset (dans
Le juge Fayard dit le Shériff). Sa présence dans
French Connection est d’autant plus remarquée que c’est lui que
Gene Hackman poursuit au cours de la scène culte du film.
La réalisation de
French Connection est
remarquable et, indéniablement, l’œuvre d’un véritable auteur. La
poursuite en voiture – sans doute la plus célèbre de l’histoire du
cinéma avec celle de
Bullitt – est extraordinaire. La caméra
embarquée, la précision du montage, le réalisme des collisions en font
l’une des scènes de poursuite à la fois les plus spectaculaires et les
plus réalistes du 7ème art. Mais le génie de Friedkin transpire dans
chaque séquence, même celles qui pourraient sembler les plus anodines.
Enfin, le final dans l’entrepôt est l’occasion pour lui de montrer
son cinéma dans toute sa noirceur, un cinéma où les hommes, policiers
compris, finissent presque toujours par se perdre. Et si la réalisation
de
Friedkin est si vertigineuse, c’est que le
réalisateur se garde bien de tout jugement ou de toute distance morale.
Loin de les juger ou de les condamner, sa caméra embrasse les errances
de ces personnages maudits, enregistre, dans
French Connection, le bruit dérisoire d’un ultime coup de revolver tiré sur des ombres.
En 1971, le film fut récompensé de cinq Oscars :
- Oscar du meilleur film,
- Oscar du meilleur réalisateur,
- Oscar du meilleur acteur,
- Oscar du meilleur montage,
- Oscar du meilleur scénario adapté.
Le film donna lieu à une suite :
French Connection 2 réalisée par John Frankenheimer en 1975. Gene Hackman et Fernando Rey y reprirent chacun leur rôle.